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Débat médical : la "Contagion" est-elle pestilentielle ou fièvre maligne?

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Contrairement à ce qu’avaient affirmé et cru les échevins et le Premier chirurgien de santé attaché aux Infirmeries (Publication # 10), la « contagion » n’avait pas disparu et elle avait bel et bien pénétré dans les quartiers de la vieille ville : une véritable hécatombe était en cours rue de l’Escale et autour de l’église Saint-Martin.

 

Médecins et chirurgiens n’en continuaient pas moins à débattre entre ceux qui déclaraient la peste et ceux qui restaient sur le diagnostic d’une fièvre maligne causée par une mauvaise alimentation. D’ailleurs, ces morts n’étaient-ils pas vraiment des gens de peu mal alimentés ? Si la peste avait commencé par tuer des riches, le diagnostic aurait été établi plus rapidement, pensait-on. Il faut admettre, toutefois, que la peste n’était pas à l’Age classique une maladie si facile à reconnaître. Même le chirurgien de la ville qui avait accepté l’autopsie d’un batelier frappé de mort subite sur son bateau n’avait put établir qu’il s’agissait de la peste, dit le Dr Bertrand. Si, de nos jours, le diagnostic clinique du médecin repose toujours sur l’observation des symptômes et du contexte, à savoir un possible séjour du patient en zone endémique, ce sont les analyses biologiques qui permettent de confirmer ou d’infirmer la présence du bacille de Yersin.

 

La forme clinique la plus fréquente de la peste est la peste bubonique transmise par une piqûre de puce hôte du rat. Après une incubation de quelques jours, se déclare un syndrome infectieux très sévère caractérisé par une forte fièvre et une atteinte profonde de l’état général, accompagné de l’apparition d’un bubon, c’est-à-dire d’une hypertrophie du ganglion lymphatique, qui draine le territoire de piqûre de la puce. Le bubon suppure et si la maladie n’évolue pas vers la septicémie, le malade finit par guérir s’il reçoit des soins appropriés. La peste pulmonaire est la seconde forme de la maladie : il s’agit là d’une transmission inter humaine par l’intermédiaire des gouttelettes de salives émises par le malade lors de la toux. En l’absence d’un traitement précoce et approprié, la peste pulmonaire est systématiquement mortelle en 3 jours.

 

Le Dr Bertrand :

« (…) Quatre Médecins se livrent à cet emploi savoir, Mrs. Bertrand, Raymond, Audon & Robert, chacun avec son Chirurgien & un garçon. Ils se partagent toute une grande ville, où dix Médecins n'auroient pas suffi. A peine ont-ils visité un ou deux jours les malades, qu'ils vont d'eux-mêmes déclarer aux Magistrats qu'il n'y avoit point à se flatter que la maladie qui régnoit étoit véritablement la peste & la peste même la plus terrible qui eût paru de longtemps. Ils se réunissent tous, Médecins & chirurgiens en un même sentiment ; chacun d'eux ne dit que ce fût une fièvre maligne, causée par les mauvais alimens & par la misère, comme l’Auteur du Journal imprimé le leur fait dire. Leur sentiment a toujours été le même ; ils n'ont jamais varié là-dessus ; & l'événement a que trop justifiés. Importunés par la curiosité des Citoyens, ils ne crurent pas devoir refuser de la satisfaire. Assurés du fait par eux-mêmes, ils ne hasardoient bien dans cette déclaration, elle ne pouvoit causer aucun trouble dans la ville ; le fils de Mr Peissonnel l'y avoir déjà dis, & Mrs Sicard père & fils, qui avoient vu les premiers malades dans leur quartier de la Miséricorde, se plaignant qu'on avoit pas ajouté foi à leur première déclaration, avoient déjà répandu partout le bruit de cette nouvelle maladie : il ne convenoit plus de la cacher dans un temps où elle étoit répandue dans toute la Ville, où il falloir prendre les mesures les plus promptes pour en arrêter les progrès, ou au moins pour prévenir les désordres qu'elle traîne après elle.

« La déclaration de ces quatre Médecins trouva pas plus de créance dans l'esprit des Magistrats & dans le Public, que celle de Mrs Sicard. Les premiers, bien loin d’ajouter foi au rapport aussi authentique, font afficher un avis, dans lequel ils annoncent que ceux qui ont été commis à la visite des malades, ont enfin reconnu : que la maladie qui règne n'est qu'une fièvre maligne ordinaire, causée par les mauvais alimens & par la misère. Nous voulons bien leur rendre la justice de croire qu'ils ne firent mettre cette affiche que pour rassurer le peuple, plutôt que dépenser qu'ils aient pu douter d'un fait qui leur étoit certifié de tout côté. Cette précaution étoit bonne, en prenant toujours les mesures convenables ».

Le Père Giraud :

« Le 26 on avertit Mrs les échevins qu’il y avoit environ quinze nouveaux malades en rüe de l’escale et que Mr Martin, l’un des curés de St-Martin, avoit fait lever onze corps morts de cette même rüe. Les chirurgiens et les médecins, après avoir visité les malades, ne convinrent pas unanimement de la nature de la maladie qui ravageait cette rüe. Les uns raportèrent que c’étoient des fièvres malignes, les autres des vers, les autres enfin soutinrent c’étoient des fièvres contagieuses pestilentielles causés par de mauvais aliments dont les pauvres de ce quartier s’étoient nourris. Ces derniers s’étoient énoncé assez clairement, ils n’avoient peut-être ozé dire assez rondement que cette maladie étoit la peste parce qu’ils sçavoient qu’on ne les écoutoit pas favorable-ment quand ils s’expliquoient en des termes si intelligibles. Ils aimoient donc mieux recourir à la périphrase. Ils crûrent après tout que l’on comprendroit leur langage et que l’on ne devoit plus se flatter après ce qui étoit déjà arrivé ».

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