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Le débat n’aurait pas dû retarder les mesures à prendre contre la progression de la contagion

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Le débat « scientifique » retarda en partie l’organisation des mesures à prendre contre les conséquences désastreuses de la peste. La dispute opposant les médecins à propos de la nature du mal arrangeait l’échevinat qui ne songeait qu’à éviter d’alarmer le peuple (Publication # 11). Ces incertitudes n’auraient toutefois pas dû conduire à repousser les dispositions que la situation sanitaire eût exigé, estimait le Père Giraud, qui était partisan du confinement. En effet, à partir du 26 juillet, il y eut tant de morts dans la rue de l’Escale (où le Père Jésuite Millet, qui avait accepté très courageusement le rôle de commissaire, finit par laisser la vie le 29 août 1720) que l’on ne pouvait plus ignorer le fléau. Cependant, selon le Père Giraud, « on s’étoit fait un systhème dans l’Hôtel-de-Ville qui consistait à ne pas allarmer le peuple qui l’étoit asses. On continua donc d’interpréter favorablement les évènemens de la rue de l’Escale ». Et il s’insurgeait contre la réactivité insuffisante des autorités et l’aveuglement de la population terrifiée.

Le Père Giraud

Le 27. « … depuis l’arrivée de Chataud, il y eut successivement des malades et des morts subites dans les Infirmeries, puisque depuis que les passagers de Chataud ou des autres navires venus des lieux suspects sont entrés dans la ville, un malade en a produit dix et qu’un seul attaqué a communiqué son mal à tous ceux de sa famille qu’importe de chercher la cause de la maladie qui règne dans les Infirmeries dans la ville. Qu’importe de l’appeler peste ou fièvre putride, ne vaut-il pas mieux en prévoir les suites puisque cette maladie se communique si aisément, que son venin est si actif, si violent, si meurtrier, que soit elle se manifeste par des frissons, par des défaillances de coeur, par des vomissements ou par des tumeurs ou des pustules ? Tout est mortel à ceux qui en sont atteints et à ceux qui les aprochent : qu’il n’y a presque point d’intervalle entre le premier ressentiment et la mort, sans que les diférentes épreuves des médecins et des chirurgiens puissent arrêter les progrès de cette maladie, ni sauver les malades. Il faut empêcher la communication et faire en sorte que chacun se tienne sur ses gardes et se défie de son voisin, de son ami et de son parent, surtout de ses domestiques : c’étoit si je ne me trompe l’unique conséquence qu’il falloit tirer de ces observations ».

Le 29, « Si Messieurs les échevins avaient été si soigneux de la conservation de leurs compatriotes, de leurs citoyens et généralement de tous les habitans de Marseille, ils auroient à peu près tenu la conduite de leur évêque ; ils auroient assemblé dans un conseil général les plus notables citoïens ; ils leur auroient déclaré en confiance qu’ils étoient menacés du fléau de la peste ; ils auroient consulté ceux qui en ayant été voyagés ou résidents dans le Levant leur auroient donné quelque éclaircissement ou quelque assurance sur cet article ; ils leur auroient demandé leur secours et leur service. Enfin, ils auroient pris ensemble les plus justes mesures pour ne pas se trouver dans l’embarras où ils se trouvèrent dans la suite funeste.

Ils auroient pu faire entrer dans ce conseil Mgr l’évêque et les chefs des communautés ecclésiastiques séculières et régulières avec eux ; ils auroient pris des arrangements, convenu de la manière dont il falloit disposer les choses afin que le peuple fût assisté pour le temporel et pour le spirituel et que les laïques et les prêtres ne fussent pas exposés à périr tout à la fois. Il falloit prendre plus que moins de précaution. Alors, ils n’auroient rien eu à se reprocher.

De cette façon là ils se seroient assuré un certain nombre de personnes de tous les états sur lesquelles ils auroient pu compter : les uns auroient ouvert leur bourse à la Communauté, les autres les auroient encouragé par leur conseil ou par leur service. Après quoi ils n’auroient pas fait difficulté de faire publier la peste, de dire à haute voix « Se sauve qui pourra ! », au lieu que leur ménagement ne servit qu’à amuser le public pendant longtemps, qu’à l’exposer à périr par trop de confiance et à autoriser la fuite précipitée des hommes, femmes et enfans, des notables, et des plus nécessaires comme des plus inutiles ».

De son côté, le Dr Bertrand s’en prenait, comme Pichatty de Croissainte, à l’incrédulité du peuple, toujours prompt à entendre ce qui pouvait le rassurer (voir 16 juillet 1720)

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