Presque un mois après l’arrivée du Grand Saint-Antoine dans la rade de Marseille, plusieurs marins et portefaix avaient déjà été terrassés par la maladie. Le portefaix est aussi un ancêtre du docker ; son travail consistait à charger, décharger, transporter et retourner la marchandise pour qu’elle soit bien aérée : c’était ce que l’on appelait « purger » la marchandise. Fin juin on enregistra de nouvelles morts mais le chirurgien s’en tenait toujours à la même déclaration : il ne s’agissait pas de la peste mais tout au plus, de fièvres malignes causées par une mauvaise alimentation.
Malgré ces rapports médicaux qui se voulaient rassurant, les Intendants du Bureau de la santé commencèrent à s’inquiéter et prirent enfin quelques menues mesures de précaution en décidant :
- de faire recouvrir les corps des morts de chaux vive ;
- d’expédier sur l’île de Jarre pour y recommencer leur quarantaine du début, les trois vaisseaux sur lesquels il y avait eu des morts (dont le Grand Saint-Antoine) ;
- de faire fermer hermétiquement l’enclos de l’Infirmerie où avaient été déchargées les marchandises en purge. Cette mesure était vraiment minimale compte tenu des circonstances et le Dr Bertrand souligne que les Intendants de la santé s’en « contentèrent ».
Voici ce qu’écrit Pichatty de Croissainte à ce sujet :
« Ce jour [le 23] un mousse du Bord du Capitaine Chataud, un portefaix qui est dans les Infirmeries à la purge de ses marchandises & un autre qui est à la purge de celles du Capitaine Gabriel tombent malades. Raport du même chirurgien qu’ils n’ont aucune marque de Contagion.
Le 24 un autre portefaix établi à la purge des marchandises du Capitaine Aillaud tombe aussi malade ; visite et même raport.
Le 25 & 26, mort successivement de tous les quatre ; ils sont visités ; raport qu’ils n’ont point de Contagion.
Monobstant ces raports, les Intendants délibèrent pourtant, de faire par précaution enterrer tous ces cadavres dans la chaux vive ; de faire retirer de l’isle de Pomègué, les trois vaisseaux de ces Capitaines Chataud, Aillaud & Gabriel, & de les envoyer à une isle écartée appelée Jarre, pour y recommencer leur quarantaine, & de faire fermer l’enclos où leurs marchandises sont en purge dans les Infirmeries, sans en laisser sortir les portefaix destinés pour les évanter. »
