Nous devrons désormais nous passer du récit du l’avocat de la Communauté Pichatty de Croissainte, lequel a mis un terme à son journal aux fins de le faire immédiatement publier.
L’épisode des vendanges, (en partie ratées, publication # 31), avait eu des conséquences sur la propagation de l’épidémie dès la mi-novembre, nous dit le Père Giraud. En effet, les propriétaires des vignobles avaient aussi recruté une partie de la main d’œuvre dont ils ne disposaient plus à Marseille parmi les communautés voisines. Ces vendangeurs extérieurs avaient contracté la peste et leur mort avait semé la confusion chez des familles jusque là épargnées par la Contagion. Rejetées de la ville, celles-ci avaient alors été condamnées à mourir sur les chemins après avoir vainement erré à travers la campagne sans trouver de refuge. Toutefois, certaines familles avaient réussi à regagner la ville. Le commandant Langeron comprit alors que les paysans qui assuraient le ravitaillement de leurs maîtres étaient responsables de la recrudescence de la maladie intra-muros. Les bullettes de santé (Publication # 37) n’avaient pas suffi et c’est pourquoi les autorités en avaient suspendu l’attribution, sauf précisément, aux paysans qui apportaient le vin et les légumes du terroir mais aussi le blé et la précieuse farine qui nourrissaient les citadins.
Un premier dessin (à gauche) montre les remparts avant leur démolition tandis qu’une gravure, due à la plume de Cassien, présente les vestiges de la porte monumentale de la Joliette et figure les échanges entre ville intra et extra muros par une file d’ânes ou de mulets attelés et manifestement en transit. La destruction du rempart fut entamée dès le tout début du XIXe siècle.
Le Père Giraud :
« Le 18, on ne pouvoit porter ni bled ni farine de la ville au terroir qu’avec un billet signé de Mrs les échevins, ils n’en accordoient que difficilement quoi qu’on tira le bled ou la farine de sa maison. Il étoit permis de tirer du vin vieux en dame jeanne ou grandes bouteilles de verre, mais non pas en barriques. Les païsans portoient avec peine le vin nouveau à cause que ceux de la ville qui avoient échapé de la peste se faisoient un jeu de les efrayer davantage en les touchant, s’appuyant de la main sur leurs épaules, leur disant « a le pauvre pansé, il appréhende la gandouphe ».
« Le 19, toutes les précautions que l’on prainoit pour étouffer la peste étoient toujours inefficaces. On avoit déjà mis tout en usage pour y réussir. Dans la pensée que le terroir entretenoit la maladie dans la ville, on ne donnat plus pendant quelques tems des billets pour s’y retirer, on permettoit à peine aux pourvoyeurs et aux païsans qui portoient le vin d’y entrer. Cependant, il y avait chaque jour de nouveaux malades tant de la ville que de la campagne, ce qui déconcertoit autant les magistrats que le peuple. Les grosses pluyes du 17 et du 19 relevèrent un peu leur courage et leur espérance, ils se flattèrent que Dieu se serviroit de ce moyen naturel pour faire cesser un fléau qui les affligeoit depuis si long tems et qui poussoit leur patience à bout.
« Le 22, Mr le commandant fut de fort mauvaise humeur à cause des nouveaux malades qu’il y eut dans la ville. On vouloit le persuader que les païsans qui portèrent le vin et les personnes qui s’étoient retirées de la campagne en étoient la véritable cause. On prétendoit par-là suspendre l’entrée du vin et l’obliger d’établir des barrières aux portes pour les gens du terroir, mais outre qu’il étoit nécessaire de laisser entrer librement le vin et les herbes du terroir afin que la ville ne se trouva pas au dépourvu, il comprit que les personnes qui étoient revenues de leur campagne n’étoient mortes que par trop de confiance, elles s’étoient confiées à leurs païsans et dans la fausse sécurité qu’il n’y avoit plus rien à craindre dans la ville, elles avoient été trop faciles à communiquer avec les habitants de la ville ».
