Le pape Clément XII fait partie de ceux qui s’étaient employés à faire porter secours aux pauvres de Marseille (Publication # 38), tout comme l’évêque de Marseille, Mgr de Belsunce, qui avait fait distribuer les pains et les galettes aux plus démunis des pauvres de la ville et du terroir ainsi qu’aux « religieux à besace » qui avaient reçu des charges de blé pour l’occasion. Ces derniers appartenaient aux ordres mendiants, tels les Franciscains, les Dominicains et leurs très nombreuses ramifications présentes à Marseille, parmi lesquelles figuraient les Trinitaires Réformés. Les moines mendiants avaient fait vœu de pauvreté et ne devaient rien posséder individuellement ; ils mendiaient donc les vivres du couvent aux moulins à huile, à farine ou au pressoir, par exemple, et leur nourriture par les chemins. Beaucoup de ces religieux étaient morts en accordant les secours spirituels aux malades (Publication #24). Le Père Giraud (Trinitaire Réformé), dont l’ordre ne mendiait pas, avait vu l’effectif de son couvent décimé par la peste.
En outre, l’épidémie avait privé les rares religieux mendiants survivants des maigres revenus qui leur permettaient habituellement de survivre et ils subissaient comme les autres les conséquences de la banqueroute de Law (Publication # 15). Ainsi se trouvaient-ils embarrassés d’une monnaie avec laquelle ils ne pouvaient plus rien acheter puisqu’elle n’était plus échangeable contre espèces sonnantes et trébuchantes. C’était pourquoi cette distribution de pains, de galettes et de farines à leur intention était si justifiée aux yeux de notre témoin trinitaire.
Le Père Giraud :
« Le 16, M. l’évêque fit publier un mandement, où après avoir parlé de l’excellence du sacerdoce de Clément XII souverain pontife, de ses lumières, de son zèle et surtout de sa charité personnelle pour les pauvres de Marseille qui n’a peut-être point eu d’exemple, pour témoigner sa reconnaissance, il ordonne des prières publiques pour demander à Dieu la conservation de sa personne. Il commença dès lors à faire distribuer du pain et des galettes dans toutes les paroisses de la ville et dans tous les quartiers du terroir, il donna même en réalité plusieurs charges de bled aux communautés d’hommes et de filles qu’il trouvoit à propos de privilégier. La partialité dans sa distribution de ces aumônes, ainsi que dans celle de ses éloges, excita quelque plainte et quelque murmure. Quoi que le pape avoit laissé le soin à M. de Marseille de distribuer son bled selon qu’il le trouveroit à propos, cette aumône sembloit être uniquement destinée aux seuls pauvres et tout au plus aux religieux et religieuses à besace, et non aux autres qui pouvoient aisément se passer de ce secours. Il est vrai que la plus part ne retiroient plus ni rentes, ni pensions, et étoient chargés de billets de banque d’aucun rapport, cependant il falloit vivre. Néanmoins, par la mortalité et par la fuite, les communautés étoient réduites à un si petit nombre que nonobstant la cherté toujours peu de chose suffisoit ».
