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Obligation de déclarer sa maladie

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Pour lutter contre la propagation de la peste, le commandant Langeron décida d’isoler les malades en les soumettant à une quarantaine effectuée à l’hôpital où tant de malades avaient trouvé une mort atroce. Il s’agissait de séparer les biens portants des malades et ceux-ci des « suspects ». L’hôpital, perçu comme l’anti-chambre certaine du cimetière, inspirait l’effroi et provoquait une réticence à déclarer la maladie lorsqu’elle advenait. Langeron fit appel à la délation : récompensés, les délateurs pouvaient bénéficier de la confiscation des biens des dénoncés. Quelques jours plus tard, Langeron empêcha les soignants de traiter tout patient sans que les autorités urbaines en eussent été informées via les commissaires de quartiers. Il exigea même la connaissance du suivi médical des malades. La peste restait cependant une maladie délicate à diagnostiquer (Publication #11), et il semble que les médecins aient fait traîner à tort des malades atteints d’autres maux à l’hôpital.

Le texte de Giraud rappelle encore à quel point les vêtements étaient une source de contamination que seule une désinfection correctement effectuée pouvait espérer arrêter.

Le Père Giraud :

« Du 10 au 13 [février], on publia quelques ordonnances. (...) On obligea tous les habitans d’avertir leurs commissaires dès lors qu’ils auroient des malades chez eux, sous peine d’être menés en quarantaine. Les malades ne laissoient pas cependant que de cacher leur mal [...], pour éviter d’aller dans les hôpitaux qui efrayoient extrêmement ».

« Le 1er mars, Mr le commandant ayant été averti que plusieurs malades tant à la ville qu’à la campagne cachoient leur mal pour éviter d’être portés dans les hôpitaux, ordonna sous peine de la vie irrémissiblement qu’aussitôt qu’une personne de quelqu’âge, sexe, qualité et condition qu’elle fut tomboit malade ou par rechute ou autrement, seroit tenue aussitôt de le déclarer et d’en avertir ou faire avertir, scavoir à la ville le commissaire de son isle, et à la campagne le capitaine ou commissaire de son quartier, qui la fairoient visiter par les médecins et chirurgiens et porter à l’hôpital du Mail. Il enjoignit aux parents et autres personnes étant dans la même maison ou bastide et à tous autres qui en avoient connaissance d’en avertir pareillement les commissaires ou lesdits capitaines sous la même peine, et en outre de confiscation de tous les meubles et effets de leurs maisons et bastides au profit des dénonciateurs  ».

« Le 6 et 7, un trompete alla publier cette ordonnance dans le terroir deux jours consécutifs. Quelque nécessaire qu’elle fut, elle porta partout la terreur et l’épouvante parce qu’on ne pouvoit se résoudre à être porté dans les hôpitaux qu’on regardoit d’avance comme des cimetières ».

« Le 15 [juillet], on porta six malades à l’hôpital du Mail, ce qui augmenta l’épouvante. On reconnut néanmoins que Baudut s’étoit empesté dans un magazin où il avoit enfermé des hardes qu’on n’avoit pas assez purgées et qu’il prétendoit faire passer à Livourne, qu’il avoit ensuite communiqué le mal à d’autres et on prit là-dessus les mesures convenables.

Pour empêcher qu’aucune maladie suspecte de contagion demeure cachée, Mr le commandant défendit aux médecins, apoticaires et chirurgiens de visiter, médicamenter et traitter aucun malade sans au sortir de la première visite en avertir le commissaire particulier de l’isle, et luy donner un billet signé, contenant le nom et la demeure du malade, la nature et la qualité de la maladie, et ordonna aux commissaires de l’en avertir en son hôtel et Mrs les échevins en l’hôtel de ville. Il les obligea même de l’informer des accidents qui surviendroient aux malades, de leur mort et du rétablissement de leur santé.

«  Le 18 [juillet], la peste s’étoit manifestée de tant de manières différentes, les médecins et les chirurgiens s’y étoient mépris si souvent qu’on ne pouvoit plus persuader au public que les malades que l’on portoit à l’hôpital du Mail fussent réellement atteints de la peste. On étoit exposé à toute heure d’être traîné dans les hôpitaux de peste ou d’entrepos, on craignoit d’y prendre le mal que l’on n’y porteroit pas ainsi qu’il étoit arrivé à tant d’autres. Cette crainte assez bien fondée portoit la terreur dans tous les coeurs.

Mais on ne trouvoit pas d’expédient plus sûr pour éteindre la contagion que celuy de séparer les malades et les suspects, on ne s’arrêtoit donc pas aux plaintes publiques, on se contentoit seulement d’assembler de tems en tems dans l’hôtel de ville les médecins et les chirurgiens pour les exhorter à examiner attentivement les malades, pour n’être pas exposés à prendre un mal pour un autre » .

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