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  • Qu’on Amène Les Apothicaires, Morts Ou Vifs !

Qu’on amène les apothicaires, morts ou vifs !

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Les apothicaires, dont les services étaient très appréciés par les autorités, jouaient un rôle d’herboriste essentiel ; ils étaient chargés de fabriquer des remèdes comme, par exemple, la miraculeuse thériaque héritée de la tradition hippocrato-galénique, préparée avec cent vingt ingrédients aromatiques mêlés à de la chair de vipère. Les apothicaires préparaient aussi le « vinaigre des quatre voleurs », macération de plantes aromatiques et médicinales à propriétés antiseptiques (absinthe, romarin, sauge, menthe, rue des jardins, lavande, acore odorant, cannelle, girofle muscade, ail, camphre), toujours commercialisée de nos jours et ainsi nommé parce qu’en usaient, dit-on, quatre voleurs surpris à dépouiller des cadavres de pestiférés durant la Peste noire.

Le Père Giraud explique que la thériaque, mêlée à la farine ou au seigle détrempé à l’huile d’olive ou bien, déposée au creux d’un oignon cuit, servait à fabriquer des emplâtres dont se servaient les paysans pour faire crever leurs bubons. Il constate l’inutilité de ce remède sur la peste.

Les apothicaires avaient aussi succombé à la maladie ou s’étaient réfugiés à la campagne en laissant leurs employés en ville. Certains d’entre eux avaient profité des circonstances pour pratiquer des tarifs abusifs sur leurs préparations (Publication # 28).

Le Père Giraud

« Le 19, les conseillers, les commissaires, les marchands en détail, les appoticaires etc., cherchèrent des prétextes pour se disposer d’exécuter l’ordonnance du 17. Mr de Langeron, qui scavoit se faire obéir, manda des gardes pour lui en amener quelques-uns vifs ou morts, qu’il traita de grande hauteur, il en fit mettre au corps de garde et dans les prisons de l’hôtel de ville où il passa à toute heure des gens sans aveu et pestiférés. On ne pouvoit guère punir plus rigoureusement des hommes connus et qualifiés, il n’y avoit pas cependant d’autre parti à prendre que de subir les peines ordonnées. On n’auroit ozé s’opposer à la volonté des commandans, leur authorité égaloit celle du roy et ils s’en prévaloient souvent.

« Un apoticaire âgé d’environ soixante-dix ans, d’une capacité et d’une probité reconnues, riche qui ne s’étoit retiré dans sa bastide qu’après avoir établi un habile garçon dans sa boutique, ne sortit de la Carbonnière que pour passer dans l’hôpital […] où il fut condamné de servir jusqu’à la fin de la contagion. Un autre, que l’on convainquit d’avoir extraordinairement surfait quelques emplâtres et quelques drogues, fut pareillement condamné à servir dans l’hôpital que l’on préparoit à la Charité, où il resta enfermé jusques au 1er mars 1721, lorsque cet hôpital fut réuni à celui du Mail.

« Pendant les autres pestes qui avoient affligé Marseille, les échevins avoient d’abord assemblé les maîtres apoticaires pour sçavoir s’ils étoient pourvus des remèdes nécessaires, leur avoient donné des fonds pour en acheter davantage, leur avoit permis de se retirer à la campagne à condition qu’ils laisseroient des garçons habiles dans leurs boutiques toujours ouvertes. Pour engager ces garçons à servir avec plus de zèle, on leur accordoit leur maîtrise gratuitement. On faisoit à peu près la même chose à l’égard des chirurgiens et des médecins. De cette manière, on n’employoit que des personnes de bonne volonté qui servoient avec plus de zèle et qui n’étoient pas tenté d’agir par caprice ou par passion.

« Mr le commandant manda à l’hôtel de ville Mr Boisson, et sans se mettre en peine de scavoir s’il avoit suffisemment des remèdes, lui ordonna d’en distribuer gratuitement à tout le monde, lui promettant son remboursement de la part de la communauté et une récompense de la Cour. Celui-cy remontra inutilement que par l’ordonnance du 7 août dernier, il étoit chargé de fournir les remèdes à tous les malades des quartiers de Cavaillon, de Saint-Laurent et des Tanneries, que se trouvant presque seul, âgé de 70 ans, il ne pourroit pas soutenir un si pénible détail, qu’outre sa dépense journalière qui étoit considérable par raport à la cherté extraordinaire de toutes choses, il avoit dépensé 400 livres à faire enlever de sa maison onze corps morts de sa famille, sans qu’on lui [faisoit] aucune avance sur les remèdes qu’il avoit déjà distribué. Il fut obligé d’obéir et ne reçut aucun secours. Le caissier de la ville avoit peu d’argent, il suffisoit à peine pour la nourriture des corbeaux, on ne s’embarrassoit guère alors des honnoraires des autres officiers ».

Date début