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Marseille, déserte, silencieuse et dévastée

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Lorsque la virulence de l’épidémie sembla enfin s’atténuer dans la ville intra-muros, des dizaines de milliers de personnes étaient déjà mortes et, d’autres encore, avaient fui. Aussi la ville conservait-elle la marque des malheurs récents : de rares promeneurs découvraient des rues désertes et, en cette mi-octobre, pas une fumée ne s’élevait des cheminées des maisons ou des fabriques ; il n’y avait plus aucune activité et la clameur de la ville tumultueuse s’était complètement tue. Pas une horloge ne laissait plus entendre son timbre. La sonorité musicale des cloches ne retentissait plus malgré la densité urbaine des églises et des couvents. Or, leur sonorité, le nombre des coups et leur rythme, la durée des sonneries délivraient des messages codés alors compris de tous. Il régnait, témoigne le Père Giraud, « un calme effrayant » car toute vie semblait avoir disparu. La ville, déserte et silencieuse, offrait un spectacle de désolation muette. Le commandant Langeron fit ordonner qu’on remit les cloches en usage.

Le Père Giraud

« Le 17, on ne voyoit presque plus dans les rues que les magistrats, les gens de leur suite, quelques convalescens estropiés et quelques personnes, qui ne pouvant plus se gêner de rester enfermés dans leurs maisons, alloient se promener dans la ville, elles traversoient quelques fois les plus grandes et les plus longues rues sans y rencontrer personne. Le silence général des cloches leur faisoit horreur. On auroit pu les assassiner au centre même de la ville sans qu’elles eussent espérer aucun secours. Le calme qui régnoit partout les effrayoit. Une ville saccagée, ou après l’extinction d’un incendie général, ne leur auroit pas paru plus affreuse. Si elles montoient sur des hauteurs, immobiles comme des pierres, elles considéroient Marseille comme entièrement détruite. Au lieu qu’autrefois on entendoit de fort loing un certain murmure et un bruit confus qui frappoit agréablement les sens et qui réjouissoit, cette ville désolée sembloit alors changée en un sombre désert, où l’on ne voyoit pas même aucun signe ordinaire pour l’entretient de la vie, il ne s’élevoit pas plus de fumée des cheminées sur les toits des maisons que s’il n’y fut resté personne. Tout n’étoit pas mort ou malade, mais ceux qui se portoient passablement bien n’étoient guère en état de se donner de grands mouvements pour se nourrir, car il n’étoit plus question d’aucune fabrique et de manufacture, tout étoit généralement fermé et interdit ». (...)

« Le 20, les cloches étoient si universellement interdites depuis la fin du mois d’août qu’on n’entendoit plus sonner aucune horloge, la fuite ou la mort de tous les horlogeurs empêchoit même de faire sonner la retraitte du soir. Mr de Langeron ordonna ce jour-là de la sonner comme auparavant. On publioit aussi un arrêt du conseil du 14 septembre rendu à l’occasion de la maladie contagieuse. Pour contribuer à la conservation des provinces du royaume, on y avoit prescrit le moyen de transporter et de recevoir les différentes marchandises dont on ne pouvoit se passer ».

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