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  • La Peste Se Répand En Provence, Causant La Faim À Marseille

La peste se répand en Provence, causant la faim à Marseille

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Le mistral, qui soufflait fort en cette dernière décade d’octobre 1720, améliorait les conditions sanitaires des convalescents et diminuait la contagiosité du mal mais empirait l’état de ceux qui venaient de contracter la maladie, dit le Père Giraud. Ce d’autant que les marseillais étaient toujours vêtus de la toilette estivale qu’ils portaient au moment de leur fuite. Cette fraîcheur automnale ne fit malheureusement pas davantage mourir le bacille de Yersin que ne l’avait fait la chaleur estivale et celui-ci continua inexorablement à se propager dans toute la Provence. De ce fait, les marchés marseillais n’étaient plus approvisionnés en vivres, et l’échevinat ne pouvait toujours rien acheter en raison d’un banque de liquidités dû à la banqueroute de Law (Publication # 15). Les femmes de la bonne société en étaient réduites à mendier leur pain aux côtés des plus pauvres, au risque de s’infecter aussi. Les marseillais étaient désormais près de mourir de faim, dit l’homme d’église. Les échevins implorèrent la Cour de les secourir.

Pichatty de Croissante :

« Le 26 la peste semble n’avoir diminué que pour faire augmenter la misère, & la disette : ce mal qui a gaigné les lieux voisins, & la Capitale même de la Province, fait que ni grains ni denrées n’en viennent presque plus aux marchés des barrières ; on les a même tous changés et reculés si loin, qu’ils se trouvent hors de portée, & l’on est à Marseille dans les plus grandes extrémités, qu’on a jamais été. M. le Commandeur de Langeron & Mrs les Échevins voyent la nécessité qu’il y a, pour éviter bien-tôt une entière famine, d’envoyer des bâtiments de tous côtés pour apporter du bled, & autres choses nécessaires à la vie ; mais n’y ayant point d’argent ni de moyen pour en avoir, cela les fait déterminer, de faire des dépêches à la Cour, pour en implorer le secours ».

Le Père Giraud

Le 24, « Les marchands qui avoient essuyé quelques pestes dans le Levant, prétendoient que tout ainsi que dans ces climats chauds les grandes chaleurs y étouffent la peste, de même les grands froids étoient seuls capables de l’éteindre dans ce païs de Provence. Ils ajoutoient de plus que cette maladie ayant commencé dans Marseille et y ayant fait ses plus grands progrès pendant les chaleurs de l’été, il y avoit lieu d’espérer que puisque l’automne ne l’avoit pas entièrement étouffée dans la ville et n’avoit servi qu’à l’allumer davantage dans le terroir, le grand froid de l’hivert la dissiperoit entièrement. Sur ce principe ceux même qui étoient en habit d’été et qui se voyoient réduits à passer l’hivert dans cet équipage, souhaitoient pourtant de grands froids. L’hivert ne fut pas extrêmement rigoureux, il gela pourtant quelques jours et le froid dura assés longtems, surtout pour ceux qui s’étant réfugiés dans le terroir sans se munir des habits d’hivert qu’ils ne pouvoient plus faire venir de la ville, étoient nécessités à se passer de tout ce qu’ils avoient abbandonné dans leurs maisons aux voleurs ou aux rats. Le froid n’apporta jamais aucun changement considérable à la peste, elle continua ses progrès dans le terroir de Marseille pendant le froid, elle prit feu dans les autres villes de la Provence en toute saison, dans les unes plutôt, dans les autres plus tard, selon que leurs commandans furent moins ou plus vigilants, que son venin y fut porté plus tôt ou plus tard ».

« Le 29, quoique Mr de Langeron parut régulièrement tous les jours à cheval dans la ville, et que Mr Moustier fut partout pour séparer exactement les convalescens de ceux auxquels ils auroient pu encore communiquer la peste, il étoit difficile de les tous reconnoitre, la misère extrême obligeoit des femmes de famille de se mêler parmi les pauvres pour recevoir les aumônes publiques. Dans la multitude des pauvres qui attendoient l’aumône, que M. l’évêque faisoit distribuer à la porte de son hôtel, on trouva sept ou huit femmes qui avoient des bubons fluans, on s’exposoit ainsi au péril de la mort parce qu’on aimoit encore alors [mieux] mourir de la peste que de la faim ».

Date début