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Recrudescence de la peste en ville intra-muros : Langeron exige des billettes de santé

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Le rassemblement de la procession de la Toussaint ne raviva pas l’épidémie au contraire du mouvement des habitants du terroir qui rentraient en ville sous un prétexte ou un autre. Les vendangeurs qui n’avaient pas succombé à la peste, par exemple, en étaient souvent infestés, dit le Père Giraud. L’on exigea donc de tous les paysans qui ravitaillaient la ville intra-muros la présentation, à la porte de la ville, d’une « billette » attestant de leur bonne santé, établie par un commissaire nommé par l’autorité publique.

Le Dr Bertrand observe aussi les effets sur la propagation de l’épidémie de l’avidité de parents éloignés trop pressés de prendre possession d’une succession et qui allaient fouiller les biens convoités sans précaution. Enfin, la réouverture des églises dans les jours suivants provoqua aussi l’apparition de nouveaux cas de peste. Les rassemblements y furent de nouveau interdits.

Le Père Giraud :

« Le 14, la plus part des personnes qui étoient venues des lieux circonvoisins pour travailler aux vendanges étoient mortes en coupant des raisins, ce qui avoit souvent jetté la consternation et le désordre dans les familles parmi lesquelles elles travailloient. Quelques une qui s’étoient conservées jusques alors ne scavoient plus où se réfugier parce qu’elles avoient changé de gîte, on les rejettoit impitoyablement de partout sans miséricorde, on les voyoit errantes dans les champs, quelque fois on en trouvoit des mortes dans les chemins publics dans des attitudes capables de faire mourir de regret ceux qui avoient refusé de leur donner quelque retraite. Chacun éloi-gnoit de ses terres les chevaux, les mulets et les bourriques que l’on abandonnoit au pillage après la mort de leurs maîtres. On en voyoit passer froidement dans les chemins sans se mettre en peine de les arrêter ».

 

Le Dr Bertrand :

« Le calme qui avoit paru à la fin d'Octobre ne fut pas de durée. Tel est le génie de cette cruelle maladie ; après qu'elle a poussé tout son feu, elle semble tout-à-coup s'amortir ; mais elle ne finit pas de même. Trop heureux quand ce n'est pas pour recommencer avec plus de violence ; ses impressions sont trop fortes pour qu'elles puissent s'effacer & se détruite sur le champ. Ses progrès dans le déclin sont encore plus lents que quand elle commence. En effet, après la Toussaint, on vit reparoître de nouveaux malades en différens quartiers de la Ville, de sur-tout dans celui de St Ferréol, qui avoit été le dernier attaqué. Mais si les malades sont nouveaux, la maladie est toujours la même : même caractère, mêmes symptômes, même malignité, mais non pas si générale ; car dès le commencement d'Octobre les éruptions étant un peu plus favorables, on voyoit guérir quelques malades ; dans tous les autres, une prompte mort rendoit inutiles & les assiduités des médecins auprès des malades, & les soins de ceux qui les servoient. (...)

« La diminution du mal devint pourtant sensible en ce temps-là ; car il n'en tomboit pas plus de sept ou huit par semaine, sans y comprendre ceux que l’on portoit dans les hôpitaux, qui dès-lors furent réduits à deux… »

(…)

« Deux choses augmentèrent le nombre de ces nouveaux malades. Le mal étant alors dans sa vigueur à la campagne plusieurs de ceux qui avoient leurs paysans malades, ou leurs familles attaquées fuyoient de leurs bastides, & venoient se réfugier dans la Ville, où les impressions malignes qu'il y apportoient, le développant, leur faisoient trouver dans le lieu même de leur asyle le mal qu'ils vouloient éviter. M. le Commandant dont l’attention, ne souffroit rien de tout ce qui pouvoit entretenir les malheurs publics, donna d'abord de nouveaux ordres pour prévenir les surprises à la faveur desquelles ces gens-là entroient dans la Ville. L'entrée en fut interdite à toute sorte de personne & on ne l’accordoit qu'à ceux qui produisoient des certificats de santé de leur Commissaire, par lequel il constoit que depuis quarante jours ils n'avoient point eu de malades dans leurs bastides ; & ceux qui venoient journellement dans la Ville, comme les paysans qui apportoient des denrées étoient obligés de faire renouveller leurs certificats de huit en huit jours. De pareils ordres firent bientôt cesser cette fatale communication de la Ville avec la campagne, & la maladie reprit le cours ordinaire de son déclin.

« L'avidité de recueillir un nouvel héritage fut encore à plusieurs la funeste cause de leur malheur. Après une si grande mortalité, ils se trouvoient appellés à la succession d'une famille entière, à laquelle ils ne tenoient que par quelque degré de parenté fort éloignée. Impatiens de savoir en quoi consistoient ces nouvelles richesses, qu’ils ne s’étoient pas promises, ils entroient dans ces maisons infectées ; ils fouilloient dans les hardes des morts , & souvent ils y trouvoient ce qu'ils ne cherchoient pas. Une impression mortelle étoit quelquefois le prix de leur avidité, & faisoit passer ce nouvel héritage à d'autres parens encore plus reculés, qui, profitant de leur exemple & de leur malheur, savoient s'en garantir par de plus sages précautions. Ce n'étoient pas toujours les héritiers légitimes, qui emportoient les hardes infectées ; c'étoient souvent des gens qui trouvoient dans ce qu'ils voioient, la juste peine de leur crime. En vain depuis les commencemens du mal, M. le Gouverneur avoit défendu ces transports de hardes & de meubles d'une maison à l'autre ; une aveugle avarice faisoit mépriser ces sages ordonnances, & les périls de la contagion. M. le Commandant les renouvella dans la suite, & les fit exécuter en des temps plus tranquilles, avec plus de sévérité ».

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