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  • L’état Du Terroir Demeurait Préoccupant Mi-janvier 1721

L’état du terroir demeurait préoccupant mi-janvier 1721

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L’humidité semblait rallumer encore la peste dans les quartiers nord-est très excentrés de Marseille. L’exemple du Mre Giraud, prêtre de Saint-Jean-du-Désert, qui avait contaminé nombre de ses paroissiens en cachant son mal, montre que tous les prêtres n’usaient pas des mêmes précautions pour confesser les malades. Par force, beaucoup de confessions étaient devenues quasi publiques tant la distance physique des prêtres avec leurs paroissiens malades s’était étendue.

Pour dramatique qu’elle fut, la situation n’atteignit toutefois jamais l’horreur que la ville intra-muros avait connu, les habitants de la campagne disposant d’espaces natu-rels où ensevelir eux-mêmes les dépouilles de leurs proches. Les cadavres ne jonchaient donc pas les chemins comme ils avaient encombré les rues de la cité.

Le Père Giraud :

« Le 10, les pluyes fréquentes que l’on avoit tant souhaittées dans l’automne, bien loing d’éteindre la peste dans le terroir sembloient luy servir de véhicule, elle a prit feu presqu’en même tems aux Rampaux, aux Camoins et à la Valentine sans qu’elle parut s’affaiblir dans les autres quartiers où elle avoit déjà fait tant de ravage. On porta ce jour-là dans l’hôpital du Mail dans deux tomberaux seize malades des Cailhols. Le jour précédent, on en avoit porté sept de Saint-Julien et on avoit enlevé de force Mre Giraud, prêtre du quartier de Saint-Jean-du-Désert, qui avoit caché long tems son mal et l’avoit communiqué à un grand nombre de personnes dans l’exercice de son ministère, qu’il avoit exercé sans interruption. Il passoit ensuite du Mail dans l’hôpital des Augustins réformés, où il passa sa convalescence et y succomba enfin au mois d’avril suivant.

« Le 11, la mortalité étoit encore grande dans le terroir. Quelqu’exacte clôture que l’on gardoit, on n’ozoit se flatter de pouvoir se sauver du péril, chacun étoit frappé de crainte et d’étonnement, mais les horreurs de la mort n’y égalèrent jamais celles que l’on avoit ressenties dans la ville. Quelques rares que fussent les corbeaux et quoi que ceux qui s’étoient dévoués d’eux-mêmes à cet employ rançonassent souvent les pauvres et les riches, cependant les corps morts ne restèrent plus comme autres fois long tems privés de l’honneur de la sépulture. Comme l’on rejettoit d’abort des bastides la plus part des malades et que l’on les logeoit dans des cabanes écartées, couvertes de branches d’arbres où de quelque drap, il n’étoit pas difficile d’ouvrir quelque fosse à l’entour et d’y tirer le cadavre avec des crocs ou des cordes. Devenus alors insensibles, il ne s’agissoit plus que de prendre quelque chose sur soi-même, de se vaincre, de faire un effort pour rendre ce dernier office de charité à ses parents ou à ses amis. C’étoient pourtant de violentes épreuves et de rudes combats, tantôt c’étoit un époux tremblant forcé d’ouvrir le sein de la terre pour ensevelir celle qu’il n’avoit plus ozé approcher dès la première démonstration de la maladie, une autre fois c’étoit un père désolé réduit à rendre le même office à son fils, une pauvre mère affligée pouvant à peine se soutenir étoit contrainte d’enterrer son époux et ses enfants aux quels elle ne survivoit que pour arroser encore quelques moments de ses larmes les fosses qu’elle avoit creusées, y expirer elle-même, et y attendre quelque peu de terre de la compassion et de la charité de ses voisins.

« Le 12, la plus part des prêtres des quartiers du terroir étoient morts ou malades, quelques-uns s’étoient soutenus par industrie. Celuy de Saint-Barnabé, pour être en état de servir plus long tems, avoit toujours refusé d’entrer dans les bastides pestiférées, quand les malades étoient en état de descendre au bas de leurs maisons il les confessoit de la rue, quand ils ne pouvoient pas sortir de leurs chambres, il montoit par une échelle à côté d’une fenêtre. Une fille que son père avoit porté sur une fenêtre se confessa ainsi publiquement, et dans les hôpitaux les confessions n’étoient guères plus secrètes ».

Date début