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Rassemblements interdits, églises fermées et célébration de la fête de Pâques renvoyée

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Le Père Giraud avait pressenti très vite que les rassemblements de foules étaient propices à la contagion (Publication #12) mais les autorités, qu’il critiquait en la matière, n’avaient réagi que tardivement en faisant d’abord fermer le Collège et les écoles publiques (le 2 août), puis finalement, les églises, suivies des tavernes, cabarets, cafés, tabagies et si populaires « académie à jouer » tant publiques que privés. Les distributeurs de vin disposant d’une cour ou d’un jardin avaient pu un court moment continuer à recevoir des consommateurs puis, avaient dû pratiquer la « vente à emporter » et respecter un couvre-feu fixé à 19 heures. Presque toutes les boutiques avaient évidemment fermé leurs volets, les artisans et les commerçants s’étant enfuis ou ayant trouvé la mort (Publication # 16). À l’apogée de l’épidémie, l’encombrement des rues par les amas de cadavres et la circulation des tombereaux avait rendu l’espace public impraticable. Puis la ville s’était retrouvée déserte, dévastée et silencieuse (Publication #34) .

Fin mars, la situation épidémique s’était notablement améliorée au moins à Marseille intra-muros et, à Pâques 1721, la population avait timidement commencé à se risquer dans l’espace public. Les autorités urbaines, qui voulaient absolument éviter que les habitants se mêlassent, maintinrent la fermeture des lieux de rencontre et de vie collective. En effet, sous l’Ancien Régime, les catégories populaires avaient coutume de vivre dans la rue et développaient des relations de voisinages intenses dont les autorités urbaines redoutaient les conséquences sur l’épidémie. Le commandant Langeron qui craignait désormais les échanges humains au moins autant que les « miasmes », se heurta à Mgr de Belsunce à propos de la célébration de la fête de la résurrection du Christ. Il envoya alors la troupe mettre bon ordre aux portes des lieux de culte où s’assemblaient les fidèles. Comprenant qu’il ne pourrait rouvrir les églises pour la circonstance et que les fidèles ne pourraient donc « accomplir leurs pâques », c’est-à-dire assister à la messe et communier après s'être confessé, l’évêque, préféra reporter Pâques à la fête de l’Ascension (qui est la montée aux cieux du Christ) toujours célébrée un jeudi, quarante jours après Pâques (entre le 30 avril et le 3 juin). L’on continua de privilégier les rassemblements pour les services religieux en plein air.

Cependant le Père Giraud nous apprend plus tard que Pâques ne fut pas célébrée à l’Ascension pour les mêmes raisons. Le 12 août seulement, l’évêque « fixa la Pâques au dimanche 24 du mois, qu’il prolongea jusques au dimanche 4 octobre inclusivement ». Et par prudence, « pour éviter une communication qui pouvoit encore paroitre dangereuse, il déffendit toute exposition et bénédiction particulière du très saint sacrement, toute prédication et même les prônes, permettant seulement aux curés après la publication des mariages d’exhorter brièvement les fidèles à une sincère pénitence, tout au plus pendant l’espace d’un quart d’heure et sans monter en chaire » . Le 15 août, la troupe avait encore empêché les fidèles d’entrer dans la cathédrale à la fin de la procession de l’Assomption de la Vierge alors que les prêtres avaient commencé les confessions dans leurs tribunaux.

Langeron s’opposa à la ré-ouverture des églises jusqu’au 19 août 1721 et nous verrons dans la suite qu’il avait sans doute des raisons de les maintenir fermées malgré les désinfections (Publication #55).

Le Père Giraud :

« Le 22, Mr le commandant, sachant que M. l’évêque assembloit le peuple dans l’église des Capucins, y envoya des soldats pour en empêcher l’entrée. Il fit fermer en même tems les académies et les cafés, obligea les taverniers de ne donner à boire que dans les rues et ordonna de nouveau aux supérieurs de toutes les églises de n’y laisser entrer personne. Il fit poser des sentinelles aux églises paroissiales avec ordre de n’y laisser entrer précisément que les personnes nécessaires pour administrer et recevoir les sacrements. Les annonces de mariage se faisoient toujours aux portes des églises. Mais les curés qu’on avoit souvent trompés commençoient alors d’examiner les choses de plus près, et ne s’écartoient guères des anciens usages de l’Église et de ses loix. Les religieux furent obligés d’avancer davantage leurs autels dans la rue, afin que le peuple qui voudroit assister à la messe s’y trouva exposé au grand air, et moins exposé à communiquer ou à prendre le mal.

« Le 24, il s’étoient passés quelques jours sans qu’il y eut de nouveaux malades dans la ville, il en tomba quelques-uns, Mr le commandant crut que le trop de confiance et la trop grande communication en étoient la cause. De là, sa fermeté à interdire toute sorte d’assemblée, souvent même contre la volonté de M. de Marseille, qui sembloit chercher toutes les occasions d’attrouper le peuple autour de luy. Pendant quelque tems on ne sonna presque plus de messe nulle part, crainte de se faire des affaires avec Mr de Langeron que l’on scavoit de fort mauvaise humeur sur cet article.

« Le 27, M. l’évêque étant persuadé que toutes les mesures et les précautions que pourroit suggérer la prudence humaine ne scauroient faire cesser le fléau terrible dont la ville de Marseille étoit encore affligée, voulut aussi tenter d’en persuader les habitans et leur donner cette maxime comme une vérité constante reçue même parmi les infidèles. De là, il prit occasion de les exhorter dans un mandement d’avoir uniquement recours à la prière, aux larmes et à la pénitence. Prévoyant néanmoins qu’il ne pourroit pas ordonner l’ouverture des églises avant les fêtes de Pâques et que par-là plusieurs personnes négligeroient de s’aquitter dignement du devoir pascal, il différa la Pâque pour cette année au jour de l’Ascension. Et ayant égard au petit nombre des confesseurs qui luy restoient, il en prolongea le tems jusques au vendredi d’après l’octave de la Fête-Dieu, jour au quel il avoit fixé la fête du Sacré-Coeur-de-Jésus. Le 24, on condamna quelques personnes au fouet ».

« Du 11 au 16, il n’arriva aucun accident fâcheux, mais tout de même que l’on avoit fait simplement les offices de la semaine sainte, on fit les fêtes de Pâques sans solemnité. M. l’évêque, suivant son ancien usage, porta le saint viatique aux malades dans toutes les paroisses, dans le cours de l’octave. La 3e fête, il dit encore la messe au bout du Cours ».

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